(Ula) » Dancing secret club.

Ne plus danser, c’est comme être enfermée dans une cage. Elle a la sensation que sa vie n’a plus aucun sens, et si elle se bat encore, elle ne sait plus tellement vers quoi se tourner. C’était toute sa vie, tout ce qu’elle savait faire, et elle n’est toujours pas prête à laisser ce passé derrière elle. Sans rien dire, elle espère encore que sa jambe lui permettra de se produire sur une scène un jour, attendant patiemment un miracle tombé du ciel après un an de travail acharné, mais vain. Elle se lève tous les matins et porte son plus beau sourire pour seul maquillage, s’allume un joint presque immédiatement pour passer le temps, tout en s’étirant avant d’allumer la musique et de tester quelques pas de danse, routine absurde qu’elle n’arrive pas à lâcher. Ses coloc’ subissent le même schémas tous les matins, ses voisins également, mais aucun n’est jamais venu lui dire d’arrêter alors, elle continue.

Aujourd’hui, elle a décidé de sortir, s’aérer un peu l’esprit tant qu’elle ne travaille pas. Elle arpente la rue à pied, un tote bag sous le bras, les écouteurs sur les oreilles, se retenant de chantonner Mistral Gagnant, chanson française qu’ici personne ne connaît, qui passe dans sa playlist en pagaille. Elle bouge lentement la tête au rythme de la musique, fermant les yeux de temps à autre, trop happée pour rester immobile, alors qu’elle passe devant les vitrines de magasins. Elle s’arrête devant l’une d’elles, attirée par une jolie robe qu’elle ne peut clairement pas se payer, mais s’imagine la porter, un jour, lorsque tout sera rentré dans l’ordre. Elle détourne la tête en souriant, se moquant gentiment d’elle-même, puis continue sa route dans les rues du centre-ville.

Elle s’arrête finalement devant un studio de danse dans lequel se déroule un cours. Après quelques secondes d’hésitation, elle retire ses écouteurs et pousse la porte. Elle se retrouve dans un hall d’entrée tout à fait banal, et se laisser guider par la musique et la voix du professeur pour trouver son chemin. Une deuxième porte franchie, une vitre se dresse en face d’elle, dévoilant le professeur et ses élèves en train de danser, apparemment inconscients de sa présence ici. Elle sourit, nostalgique, et un frisson la parcourt tandis qu’elle observe les pas et les gestes des étudiants. Après quelques secondes, elle sent du mouvement à côté d’elle. Elle tourne la tête, et découvre une jeune femme, qui suit attentivement les pas de danse, assistant au cours sans vraiment y être. Intriguée, elle pose son sac et tousse légèrement pour attirer l’attention de la danseuse. Elle semble surprise, et Agathe tente immédiatement de la rassurer avec un sourire. « Pardon, je ne voulais pas vous faire peur ! » Elle tourne la tête vers le cours de danse de l’autre côté de la vitre, puis se reconcentre sur son interlocutrice. « Je passais dans le coin et j’ai vu un studio de danse, je n’ai pas pu résister. Qu’est-ce que vous faites ? » Pourquoi n’assiste-t-elle pas au cours directement ? A-t-elle au moins le droit de se trouver ici ? Agathe, elle ne voit pas pourquoi danser serait interdit, où que ce soit, mais peut-être pourrait-elle avoir des ennuis si elle était découverte, d’où sa frayeur en la voyant débarquer dans la pièce ? En tout cas, elle, elle n’a qu’une envie, c’est de se joindre à elle. Ca fait longtemps qu’elle n’a pas dansé.

ta nouvelle vie en irlande n'est pas si facile ula. elle n'a rien à voir avec la vie de princesse que tu as pu mener au mexique. même si celle-ci était entachée par le crime, les gangs, et une célèbre poudre blanche qui vous retourne le cerveau. aujourd'hui tu n'es que l'ombre de toi-même. un fantôme qui se promène dans les rues irlandaises. t'as souvent peur ula. sans doute pas autant que lorsque tu étais encore avec ta famille mais tu risques l'expulsion à chaque instant. et tu n'as pas le même train de vie. tu trimes. tu t'épuises. tu t'époumones à tenter de survivre. t'as pas de toit stable sur ta tête ni même de visa. le tien a expiré depuis belle lurette. mais pour autant, tu te vois mal rentrée au pays. tu as trop vu les dégâts que la petite poudre pouvait causer sur les gens la consommant et leurs familles. tu ne veux plus être mêlée, ni de près ni de loin, à tout ceci. tu ne rêves que de liberté et d'un petit cocon. souvent, tu regardes derrière toi, fais attention aux gens qui sont dans ton dos. tu connais ton père, celui qui aurait dû te passer la bague au doigt ainsi que tes frères. ils ne lâcheront rien tant que tu ne seras pas rentrée à la maison. peu importe que tu leur aies ou non laissé un petit mot indiquant que tu ne souhaitais pas qu'ils te recherchent. ta seule échappatoire en irlande, ton petit bol d'air frais, c'est la danse. ces cours que tu suis sans payer et sans qu'on te remarque. tu n'es pas cachée au fond de la salle, non non. t'as ta méthode à toi. une méthode que tu as expérimenté et parfait depuis. comme à ton habitude, tu te glisses donc par la fenêtre. y'en a toujours une, de l'autre côté du studio de danse, qui est ouverte. tu y balances d'abord ton sac à dos, te hisses, t'appuies et tu te pousses vers l'intérieur du bâtiment. là, tu enfiles rapidement ton short de danse et un tee-shirt bien trop grand pour toi qui recouvre même ton bas. et tu te dépêches de chausser tes chaussons. la professeur de danse est déjà en train d'interpeller les retardataires et s'apprête à lancer la musique. tu en profites pour t'étirer rapidement et t'attacher les cheveux. l'enseignante ne t'a pas remarqué, tout comme les autres danseurs d'ailleurs. faut dire que t'as ta propre technique. tu es cachée de l'autre côté du miroir. personne ne peut te voir. tu as légèrement entrouvert la porte de la pièce où tu es afin de ne pas mourir de chaud mais avant la fin du cours, tu l'auras refermé afin qu'on ne remarque pas ta présence. cette pièce, c'est plus un cagibi qu'autre chose mais ça te permet de te libérer, d'exprimer ton art. ici, tu redeviens le temps d'une heure, insouciante. tu es ce petit oiseau qui s'envole et quitte sa cage mais y retourne bien vite, une fois le cours terminé.

tu danses. t'agites. bouges les bras. t'élèves. te laisses emporter. et tu reproduis, imites le professeur. tu te sens si bien ici, détendue, relax. mais bien vite tu prends peur. tu t'es laissée emporter et tu n'as pas entendu cette personne arriver. une blondinette. tu ne la connais pas mais elle se trouve dans la même pièce que toi. qu'y fait-elle ? tu portes une main à ta poitrine. reprends ton souffle. t'as fait un bond quand t'as entendu sa voix. et t'espères ne pas avoir été repérée par l'enseignante. tu profites d'être tirée ainsi de ta transe artistique pour boire une ou deux gorgées d'eau. et vous ? tu veux pas te montrer méchante ou quoi mais la question peut se poser pour son interlocutrice aussi. est-elle venue s'inscrire, va-t-elle te balancer ? as-tu été découverte ? tu pries pour que ce ne soit pas le cas. tu as besoin de ces petits moments de tranquillité. je m'entraîne., que tu lâches simplement. tu ne veux pas en dire plus. tu ne veux pas avouer ce que tu fais ici, cachée. pas tant que tu ne connais pas les intentions de ton interlocutrice.